Tunisie : La Forte abstention contrarie la démarche de Saïed

Ce lundi 25 juillet, qui coïncide avec la fête de la République et l’anniversaire de la dissolution du Parlement, neuf millions d’électeurs tunisiens ont été conviés à se prononcer sur le projet de révision constitutionnelle initié par le Président Kaïs Saïed.
Ouverts à 8h00 du matin, les bureaux de vote n’ont pas connu d’engouement notamment dans les grandes villes. Les centres électoraux que le Jeune Indépendant a visités dans les gouvernorats de Tunis et d’Ariana, n’ont pas attiré de grandes foules. Des groupes d’une moyenne de dix à quinze personnes étaient présents dans les bureaux de visités. Le scrutin s’est déroulé au milieu d’un fort dispositif militaire mis en place pour prêter main forte aux policiers mobilisés dans la capitale.
« J’ai voté pour que le pays sorte de l’impasse actuelle. J’avoue que je ne regarde pas Kaïs Saïed avec le même espoir que l’année dernière, nous avons eu droit qu’à des slogans depuis une année, mais j’ai cru bien faire en votant car ce vide institutionnel a bloqué le pays et les perspectives de développement », a affirmé au Jeune Indépendant, Mohsen, 43 ans, électeur dans la circonscription d’Ariana.
Jusqu’à 16 heures, les officiels rencontrés et les représentants de l’Instance de surveillance des élections (ISIE) rassuraient sur le bon déroulement du scrutin et estimaient, que le peu d’empressement des électeurs d’aller aux urnes est dû à la canicule qui sévit dans le pays, ces derniers jours.
Peu après la fermeture des bureaux de vote, Farouk Bouaaskar, Président de l’Instance indépendante de surveillance des élections a fait savoir le taux de participation au scrutin, prolongé jusqu’à 22h00, avait atteint 27,54 %, ayant mobilisé 2,46 millions d’électeurs sur les 9,3 millions d’inscrits.
Autorisés à donner des estimations, les instituts de sondages ont estimé que le « Oui » l’emporterait par 92%, des voix exprimées.
Toutefois, le référendum ne s’est pas déroulé sans incidents. La commission de surveillance s’est plainte dès la matinée de l’absence des représentants des partis politiques. Pour cette organisation, 91% des bureaux de votes n’avaient pas d’observateurs.
Entraves et presse malmenée
L’Observatoire Shahid pour le suivi des élections et l’accompagnement des transitions démocratiques a constaté, lui-aussi, le manque flagrant d’observateurs dans les centres et bureaux de vote.
Le syndicat des journalistes tunisiens a dénoncé les entraves dressées face aux journalistes. Des chefs de bureaux de vote ont empêché des journalistes et photojournalistes tunisiens et étrangers de filmer à l’intérieur des bureaux de vote, selon le syndicat.
Un correspondant de presse français a accusé la police de l’avoir retenu pendant de long moments et l’avoir obligé à effacer le contenu photographique de son téléphone mobile.
Cependant, l’Association tunisienne pour l’intégrité et la démocratie des élections (Atide) a constaté un retard dans le démarrage des opérations de vote pour le référendum sur une nouvelle constitution tunisienne et ce, dans un certain nombre de centres de vote, outre un manque d’équipements dans environ 26% des centres de vote observés.
Lors d’un point de presse, le président de l’association, Bassam Maâtar, a indiqué que les observateurs de l’Atide, dont le nombre s’élève à 430 en Tunisie et 6 à l’étranger, ont été empêchés de circuler librement dans les centres de vote, appelant à leur garantir le droit d’accès à tous les endroits dans les centres de vote. Elle a également relève que la campagne électorale en faveur de l’adoption de la Constitution, menée par des partisans de Saïed, s’était poursuivie au sein même des bureaux de vote.
Parmi ces violations une absence de représentants des partis participants, la faible présence des observateurs locaux dans beaucoup de bureaux de vote, et enfin les propos aux médias du Président Kaïs Saïed à l’issue de son accomplissement du devoir électoral. Un point de presse improvisé au cours duquel il a exposé un certain nombre de contenus du projet de constitution, ce qui est, là aussi, une violation du silence électoral.
Cette entorse du Président qui a voté dans le quartier Ennasr 2 à Tunis, a aussi été relevé et dénoncé dans une saisine, par la Haute autorité indépendante de la communication audiovisuelle HAICA. Dans un communiqué, adressé à la télévision nationale publique, la Haica a appelé la Société tunisienne de télévision à respecter les lois et à respecter les restrictions liées à l’évitement de toute forme de publicité pendant la période de silence électoral.
Vers 22H30, une centaine de partisans du Président Saïed ont manifesté leur joie en chantant des slogans dans l’avenue Habib Bourguiba. Aucune manifestation des groupes et organisations ayant appelé au boycott n’a eu lieu aujourd’hui.
Mardi, le Front du salut national a appelé le président de la République à « quitter le poste » et à organiser des élections législatives et présidentielles anticipées, exhortant les différentes forces politiques et civiles nationales à se concerter davantage et à préparer « un dialogue national inclusif ».
Lors d’un point de presse le Front du salut a plaidé en faveur de la constitution d’un comité préparatoire composé de ces forces nationales et politiques pour tenir une conférence nationale au cours de laquelle seraient convenues des réformes économiques et politiques et du choix d’un gouvernement de salut qui serait en mesure de préparer la phase transitoire.
Le secrétaire général du Front Ahmed Najib Chebbi a estimé que les chiffres relatifs au référendum annoncés lundi montrent que « 75% des électeurs ont refusé de voter » et « de donner leur aval au processus du président et de conférer ainsi une « fausse légitimité à une constitution autoritaire ». Le Front du salut souligne que le président Saïed « n’a aucun motif pour rester encore au pouvoir après l’échec de son coup d’état »