Tizi Ouzou : Quel avenir pour le monde artisanal ?

Malgré une politique nationale des plus rigoureuses et des plus cartésiennes portant sur la valorisation de l’élément artisanal, et ce tant sur le plan identitaire et culturel que sur celui portant le segment économique et financier, le monde artisanal n’arrive toujours pas à décoller dans la wilaya de Tizi Ouzou.
Où se situe donc la faille ? C’est cette question qui, une fois encore, été posée ce dimanche par les différents acteurs concernés, à l’issue d’une rencontre, organisée dans l’espace de la maison de la Culture Mouloud-Mammeri de Tizi Ouzou, par l’association Espace pour la promotion des investissements (EPI), présidée par Rachid Guerbas.
Dans son discours, et même lors des débats qui se sont ouverts plus tard, le président de l’EPI ne s’est pas montré particulièrement tendre à l’endroit des pouvoirs publics auxquels il a reproché l’absence d’accompagnement et d’assistance des artisans et artisanes dans la promotion et l’écoulement de leurs produits. « Nous demandons aux pouvoirs publics de mettre à notre disposition des marchés de proximité et autres espaces pour écouler le produit artisanal », a-t-il souligné, avant de déclarer : « Nous voulons être considérés comme des partenaires à part entière ! ».
Rachid Guerbas a même déploré l’absence d’invitation de l’association qu’il préside aux manifestations commerciales et autres, et ce par les différents organisateurs. « Ce qui dénote le mépris affiché à notre endroit, et ce malgré notre volonté et notre capacité à participer au développement de notre artisanat sous tous ses segments », a-t-il expliqué.
Le représentant de la direction de l’artisanat et du tourisme de la wilaya a rejeté catégoriquement cette accusation. Dans son intervention, ce cadre a reproché aux artisans et artisanes de ne pas se rapprocher des différents organismes de l’Etat tels que la direction de l’artisanat et du tourisme pour avoir toutes les informations désirées et, éventuellement, bénéficier de conseils pour réussir leurs projets.
Avec l’intervention de ce cadre, il a été prouvé qu’il existe toujours un problème de communication entre l’artisan et l’administration.
Pour sa part, le directeur régional de la BADR, Yazid Ouada, a donné un véritable cours d’économie à l’assistance. C’est à la lumière de cette exigence économique moderne qu’il a suggéré aux artisans et artisanes de s’adapter, à commencer par se constituer en coopérative, ouvrir un compte bancaire, bénéficier de formations et provoquer, entre autres, des opportunités de marché.
Yazid Ouada a également rassuré ses vis-à-vis quant aux dispositions de la BADR à accompagner les artisans et artisanes en termes de crédit, jusqu’à la limite autorisée par la loi. C’est aussi à l’issue de son invention que le directeur régional de la BADR a informé l’assistance que, dans le cadre de l’encouragement de l’activité agricole, plus exactement la production de céréaliculture, la BADR finance dans le cadre de la formule « RFIG » les propriétaires de petites parcelles motivés par la production de cette céréale. « Nous ficelons le dossier en 24 heures et le bénéficiaire peut se présenter aussitôt au guichet unique de Draâ Ben Khedda », a affirmé l’intervenant.
De leur côté, les représentants de l’ANSEJ, de la CASNOS, de la CNEP-Banque et de la Direction de l’action sociale (DAS) de la wilaya ont, chacun, mis en évidence les avantages offerts aux artisans et artisanes par ces organismes. Chaque intervenant a bien sûr parlé de son organisme employeur. Les explications fournies par ces intervenants sont des preuves de la réelle volonté de l’Etat d’encourager la valorisation du produit artisanal et la protection de l’artisan.
Mais en dépit de cela, le produit artisanal ne constitue toujours pas un véritable segment économique en Algérie et particulièrement à Tizi Ouzou. Lors des débats, certains intervenants ont mis en évidence l’absence flagrante de maîtrise du marketing.
Dans les réponses apportées, il a été suggéré le respect des concepts scientifiques. « Chaque métier doit être exercé scientifiquement car il obéit strictement aux règles éminemment scientifiques, ont assuré les conférenciers qui sont tous universitaires. Il convient de souligner enfin que, dans certains cas, des responsables abusent de l’innocence de certains artisans et artisanes. C’est le cas de cette dame qui, selon son témoignage, a reçu en 2019 une commande de livraison de produits textiles de la part des responsables de l’hôpital psychiatrique Fernane-Hanafi de Oued-Aïssi.
Cette dame, couturière de son état, a assuré la livraison en question. Mais pendant ce temps-là, le chef du service hospitalier, qui était en fonction, a reçu l’ordre d’une mutation vers un autre hôpital. Sa remplaçante a refusé de prendre en considération la commande de livraison des articles textiles faite à cette couturière. Elle a donc refusé catégoriquement de la payer. La couturière, ne sachant ni lire ni écrire, a pourtant frappé à toutes les portes des responsables sans pour autant que quelqu’un daigne demander à cette directrice d’honorer les dettes de l’établissement qu’elle dirige.
Le directeur de santé et de la population de la wilaya de l’époque, faute de pouvoir imposer les lois de la République à cette responsable, a quand même suggéré à l’innocente couturière de s’adresser à la justice. C’est ainsi qu’elle se retrouva au palais de Justice, contrainte de payer les services d’un avocat et d’un huissier de justice. Elle a payé chacun 13 000 DA. Elle a donc déboursé une coquette somme de 26 000 DA. Certes, elle a eu gain de cause puisque l’hôpital psychiatrique de Oued-Aïssi lui a payé le prix de la marchandise dont il avait pris possession, mais ses frais de justice ne lui ont jamais été remboursés.
En définitive, la malheureuse a perdu dans l’affaire. C’est ce qu’elle a d’ailleurs avoué au Jeune Indépendant. Ce fait a mis en émoi toute l’assistance. Le médiateur du président de la République, Idir Ykène, présent à cette rencontre, a pris la parole pour déclarer à l’assistance que les portes de son bureau sont toujours ouvertes. Et en sa qualité d’universitaire, Idir Ykène a également mis en évidence l’intérêt et le positivisme de la communication. « Il n’est pas rare que certains aléas soient provoqués par l’absence de communication entre les différentes parties concernées », a-t-il soutenu. Il convient enfin de noter que cette conférence, qui a révélé un pan entier sur la vérité du monde artisanal, a été clôturée par une conférence animée par M. Chara autour de la thématique « Robe kabyle dans l’antiquité ».