Premier sommet sino-arabe à Riyad : De nouveaux défis, de nouveaux paradigmes

Dans un monde en plein mutation, la coopération sino-arabe revêt une importance capitale. Avec un volume d’échange qui avoisine 330 milliards de dollars en 2021, soit une augmentation de 37% par rapport à l’année 2020, la Chine s’impose comme un partenaire majeur des pays arabes.
Le sommet sino-arabe de Riyad le 09 décembre auquel prendra part le Premier Ministre Aymen Benabderrahmane, sera l’occasion de réaffirmer le partenariat stratégique entre les deux parties. C’est la première rencontre de ce niveau dans le monde post-Covid, alors que l’opération spéciale russe en Ukraine va boucler son 10ème mois.
Pour les Chinois, la région arabe est une région clé dans leur stratégie mondiale de la Ceinture et de la Route (BRI), la nouvelle route de la Soie. Avec le contrôle des principaux verrous des routes maritimes (Hormouz, Bab Al-Mandab, Suez, Gibraltar), la région arabe intéresse au plus haut point les stratèges chinois, tant elle constitue un point de passage obligé vers le grand marché européen.
D’un autre côté, les réserves en hydrocarbures, que recèle cette région constituent un atout supplémentaire et pas des moindres, dans le raffermissement des relations entre le monde arabe et la Chine. D’ailleurs, pour l’année 2021, le monde arabe représentait 51.6% du total des importations chinoises en hydrocarbures, Pékin ayant importé 265 millions de tonnes de pétrole arabe. C’est dire l’importance des relations économiques bilatérales entre la Chine et les pays arabes.
D’ailleurs, le ministère chinois des Affaires étrangères a publié cette semaine un rapport sur la coopération sino-arabe dans la nouvelle ère. Selon Zhao Lijian, le porte-parole des affaires étrangères chinoises, ce rapport revient «sur l’histoire des échanges amicaux entre les deux parties» autant qu’il a «examiné ces pratiques après la fondation de la République populaire de Chine, en particulier dans la nouvelle étape du XXIème siècle, et défini les perspectives et la voie pour construire une communauté d’avenir partagé Chine-Etats arabes».
Cette communauté d’avenir partagé entre les deux parties signifie dans la conception chinoise l’engagement des pays arabes dans la stratégie de la Ceinture et de la Route (BRI) et bénéficier ainsi des centaines de milliards de dollars que Pékin alloue aux projets structurants inscrits au titre de la BRI.
A noter que la Chine a signé des accords de coopération dans le cadre de la BRI avec 20 pays arabes ainsi qu’avec la Ligue arabe. 200 projets de coopération d’envergure sont menés dans les domaines de l’énergie et les infrastructures, bénéficiant à près de 2 milliards de personnes.
Parmi ces projets, notons le grand port du centre à Hamdaniya et l’extension du terminal pétrolier de Skikda en Algérie, la raffinerie de pétrole Yasref, une co-entreprise saoudo-chinoise (Aramco-Sinopec) à Yanbu en Arabie saoudite, et le système de train électrique léger (TEL) en Egypte. Ces exemples de la coopération sino-arabe qui entre dans le cadre de la BRI constituent «des voies importantes pour les pays arabes dans la réalisation de leurs objectifs de développement», selon les propos de Nasser Abdel-Aal, professeur de langue chinoise et vice-doyen de la Faculté des Langues à l’Université Aïn Shams en Egypte.
Pour rappel, durant la pandémie de Covid-19, la Chine a aidé plusieurs pays arabes, l’Algérie en premier lieu, à acquérir le vaccin et a délocalisé la production de ce dernier dans plusieurs pays arabes dont l’Algérie, l’Egypte et les Emirats arabes unis.
Dans ce registre, l’expert jordanien en relations arabo-chinoises, Samer Khair Ahmed, estime qu’«il est important que la Chine fournisse au monde arabe son expertise en développement des infrastructures dans les domaines des ports et du transport international qui relient la région arabe au monde, ce qui aidera cette dernière à restaurer son statut en tant que pont entre l’Asie, l’Europe et l’Afrique».
Le domaine des énergies renouvelables n’est pas en reste de cette coopération renforcée. Pékin a étendu sa coopération dans les secteurs de l’énergie solaire, de l’énergie éolienne et de l’hydro-électricité en créant un centre de formation sino-arabe des énergies propres et le laboratoire sino-égyptien sur les énergies renouvelables. Des projets de coopération ont été lancés à l’instar de la centrale solaire de 800 MW d’Al Kharsaah au Qatar et les centrales solaires de 186 MW du parc solaire de Benban en Egypte.
L’Initiative pour le Développement mondial (IDM) lancée en octobre dernier par Pékin offre à la Chine et à ses partenaires une plateforme pour atteindre les objectifs de développement tels qu’énoncés dans l’Agenda 2030. Plus de 100 pays, dont 17 pays arabes, et des organisations internationales ont exprimé leur soutien à l’IDM. 60 pays, dont 12 pays arabes ont rejoint le Groupe des Amis de l’IDM. Cela sous-entend une plus grande coopération et interdépendance entre la Chine et les pays arabes.
Pour de nombreux experts, le secret de la réussite de la Chine dans ses stratégies de partenariats c’est le respect des spécificités de ses partenaires, car dans la logique du gagnant-gagnant (win-win), Pékin ne porte pas de jugement sur la nature des systèmes politiques ou économiques de ses vis-à-vis. Les Chinois préfèrent mettre l’accent sur les intérêts mutuels que sur les leçons à prodiguer comme le font les Occidentaux. Les pays arabes ont compris que l’hégémonie occidentale est déclinante et qu’il est grand temps de créer des alliances économiques et stratégiques avec les puissances émergentes notamment la Chine et la Russie.