La Russie leader mondial de l’agro-alimentaire

La Russie est en passe de devenir le grenier du monde. L’agriculture dans le pays s’est métamorphosée grâce, ironie du sort, aux sanctions économiques imposées par les occidentaux. Depuis des décennies, la Russie est devenu le premier exportateur mondial de céréales, dépassant en 2017 le voisin et rival ukrainien. Blé, maïs, orge, sarrasin, mais aussi viande porcine, volaille et produits laitiers : l’agroalimentaire russe connaît un véritable âge d’or, selon les experts.
Les exportations de produits alimentaires russes ont augmenté de 20% en 2020 par rapport à l’année précédente, battant le record établi en 2018, a indiqué ce dimanche une agence fédérale auprès du ministère russe de l’Agriculture.
La Russie a exporté 79 millions de tonnes de produits alimentaires l’année dernière, pour une valeur totale de 30,7 milliards de dollars, a indiqué l’agence fédérale AgroExport chargée des exportations des produits agricoles du pays dans son dernier rapport.
Selon l’organisme, les exportations de produits alimentaires russes ont augmenté de 20% par rapport à l’année précédente, battant le record établi en 2018, lorsque le pays avait exporté 78,5 millions de tonnes de produits pour une valeur totale de 25,8 milliards de dollars.
Le pays a ainsi exporté plus de céréales, de viande, de légumes, de produits laitiers et d’autres produits qu’il n’en importait, devenant un vendeur net de ces produits agricoles pour la première fois depuis l’effondrement de l’Union soviétique.
Les céréales représentaient traditionnellement plus de la moitié des exportations agricoles de la Russie en termes de volume, soit environ 30% des ventes de produits alimentaires à l’étranger. En 2020, le pays a enregistré sa deuxième plus grande récolte de céréales de l’histoire.
La plus forte hausse a été enregistrée dans les exportations de viande, qui ont augmenté de 49% sur l’année pour une valeur totale de près de 900 millions de dollars, stimulées par une demande forte et croissante de la Chine.
La croissance a traversé tous les grands groupes de marchandises, à l’exception du poisson et des fruits de mer, où, en raison de baisses de prix dues à la pandémie de coronavirus, la valeur des exportations a diminué de 2,1%.
Comment la Russie , dont l’agriculture a subi au XXe siècle une démolition en règle, de la collectivisation forcée des années 1930 puis l’impéritie soviétique au chaos des années 1990, a-t-elle réussi ce tour de force, s’interroge-t-on dans le milieu agricole.
Le tournant a été opérée en 2014. En réponse aux sanctions financières et politiques adoptées par l’Union européenne et les Etats-Unis après l’annexion de la Crimée, Vladimir Poutine met en place un embargo strict sur tous les produits alimentaires venus d’Europe.
Fruits, légumes, produits laitiers, viande, céréales… disparaissent du jour au lendemain des étales russes.
La mesure n’est pas seulement conçue pour mettre à mal les agriculteurs européens, privés d’un important marché : elle donne aussi une impulsion décisive aux producteurs locaux.
“Dès le départ, ces contre-sanctions ont été conçues comme un outil de lutte géopolitique et comme une chance pour les producteurs russes, affirme Mikhaïl Makarov, représentant commercial de la Russie . Ils devaient prendre la place qui se libérait sur le marché, et c’est ce qui s’est produit”. Un an après l’embargo, la Russie est déjà à 87 % autosuffisante en viande. La production de viande porcine russe a augmenté de 30 % en cinq ans.
En plus d’écarter d’un seul coup la quasi-totalité de la concurrence étrangère, le gouvernement russe investit également des moyens titanesques dans le développement et la modernisation de l’agriculture nationale. Rien que pour l’année 2021, la Russie prévoit d’investir plus de 77 milliards de roubles (857 millions d’euros) dans son programme d’Etat de développement de l’agriculture, sous forme de prêts préférentiels, de crédits d’impôt et de subventions. Elle soutient aussi l’exportation, avec des subventions tournées spécifiquement vers la logistique.
En appoint de cette croissance, la technologie tient une place prépondérante . L’automne dernier, la Russie a lancé sa première “moisson-robot”, ainsi que la surveillance des champs et des troupeaux par drones et par satellite ainsi que le recours croissant aux capteurs connectés. Ce qui donne à penser que Moscou se tourne massivement vers l’agritech pour poursuivre sa montée en puissance. Dans ce nouveau cap, l’Etat joue un rôle clef. En 2019, un programme intitulé “Agriculture numérique” a soutenu la modernisation du secteur et financé jusqu’à 50 % du coût de ces technologies.
Par ailleurs, un rapport spécialisé prévoit que dans les 60 prochaines années, la Russie devrait élargir sa surface arable en raison des changements climatiques. La hausse des températures devrait faire reculer la limite sud du permafrost de près de 500 kilomètres vers le nord. La Russie pourrait ainsi doubler sa superficie cultivable, qui pourrait atteindre 420 millions d’hectares. Avec ses 220 Mha aujourd’hui, la Russie produit à peu près 110 à 120 Mt de grain, selon rapport Déméter 2021, paru en février dernier. La Russie renforcerait davantage sa place sur le marché mondial du blé pour en devenir le grenier des générations futures. Les Russes apprennent désormais qu’à quelque chose malheur est bon.