-- -- -- / -- -- --
Culture

Benjamin Stora au Jeune Indépendant : « La vie de l’Emir Abdelkader est une histoire épique»

Benjamin Stora au Jeune Indépendant :  « La vie de l’Emir Abdelkader est une histoire épique»

Auteur d’une multitude d’ouvrages dont une biographie fouillée de Messali Hadj et une autre de Ferhat Abbas (avec Zakya Daoud), Benjamin Stora est également l’auteur du « Rapport sur les questions mémorielles portant sur la colonisation et la guerre d’Algérie ».

Remis au président français en janvier 2021, il comporte vingt-deux préconisations dont une suggérant la construction d’une stèle à l’effigie de l’émir Abd el-Kader à Amboise (Indre-et-Loire), là où il a vécu en exil entre 1848 et 1852. Une sculpture a été commandée par la ville de Tours à Michel Audiard, un artiste tourangeau connu pour ses œuvres dans la région.

La sculpture – ‘’silhouette de l’émir découpée dans une feuille d’acier rouillée’’ – a été vandalisée dans la nuit du 4 au 5 février 2022 quelques heures avant son inauguration. Inspirée d’une photographie conservée par la Bibliothèque nationale de France, l’œuvre s’intitule ‘’Passage Abd el-Kader’’. Elle a été édifiée sur les bords de Loire au pied du palais royal d’Amboise. Une enquête – toujours en cours — a été ouverte par le justice.

Le Jeune Indépendant : Vous avez été au rang des nombreux conférenciers qui, en marge de l’exposition « Abd el-Kader’’ », se sont succédés au Mucem pour animer la série de rencontres « Algérie France, vue par ». Vous avez également été au rang des premiers visiteurs qui ont fait le parcours de l’expo.  Quelle a été votre impression ? 

Benjamin Stora : Je m’en suis réjoui et je n’ai pas manqué d’en souligner la portée lors de mes échanges avec les organisateurs et avec les médias nationaux et locaux. J’ai trouvé l’initiative du Mucem très importante. Pendant quatre mois, elle a ramené l’émir Abd el-Kader au-devant de la scène et permis au grand public de faire connaissance avec cette figure du nationalisme algérien et de l’histoire contemporaine.

Elément frappant qui n’a pas échappé au regard des observateurs, le vernissage de l’exposition – 5 avril 2022 – a eu lieu deux mois presque jour pour jour après l’acte de vandalisme qui a ciblé la stèle érigée en l’honneur de l’émir sur les bords de Loire et au pied du château d’Amboise. J’estime que la tenue de l’exposition était une réponse à la profanation de la stèle. Je l’ai dit avec des accents forts lors dans mes échanges avec le public lors de la rencontre « Algérie France, vue par ».   

Vous avez été l’une des toutes premières voix à réagir à l’odieux forfait commis dans la nuit du 4 au 5 février sur les bords de Loire. Vous avez qualifié l’acte de ‘’profanation’’ quand d’autres évoquaient un acte de vandalisme. 

Très tôt dans la matinée du 5 février, dans une déclaration qui avait fait le tour des rédactions, j’ai plaidé pour le maintien de l’inauguration coûte que coûte. Il était hors de question de laisser triompher les auteurs directs ou indirects d’un tel acte, ceux qui sont dans l’obscurantisme, l’analphabétisme et l’ignorance. La meilleure manière de dénoncer cet acte consternant, c’était le maintien de l’inauguration à la date arrêtée, la poursuite du travail pour relever la statue.

Ça été fait au grand bonheur de ceux, majoritaires, qui cherchent le savoir et le cultivent. Quitte à me répéter, oui, l’exposition du Mucem a été un évènement thématique important qui fera date. Le temps d’un parcours scénographique dans un espace de 800 m2 – une surface qui atteste de la richesse de l’expo –, le Mucem a permis de mettre en valeur la grande personnalité d’Abd el-Kader. Ce faisant, son initiative était une réponse – par la connaissance, la culture et le savoir – à ceux, haineux, qui cherchent à diffuser l’ignorance, l’analphabétisme et l’obscurantisme. 

Biographe de Messali Hadj et de Ferhat Abbas (en collaboration avec Zakya Daoud), vous avez profité du cycle de conférences que vous avez animées tout au long de votre parcours de professeur des universités et d’historien pour revisiter la vie de l’émir Abd el-Kader. A l’aube des années 2000, vous avez portraituré l’émir dans une longue conférence au musée du Quai Branly-Jacques Chirac. Visiblement, la demande de savoir est manifeste. 

Comme je l’ai souligné dans mon rapport sur les questions mémorielles, la vie tous azimuts de l’émir Abd el-Kader mérite d’être portée à la connaissance du plus grand nombre de part et d’autre de la Méditerranée et même bien au-delà de la France et de l’Algérie. Abd el-Kader, c’est une somme de vies et une vie mouvementée. Manifestement, il y a – chez le  large public – une véritable demande de savoir sur le personnage. La passion et la curiosité suscitées par l’exposition du Mucem en attestent. Je l’ai dit en 2001 au musée du Quai Branly, je le redis aujourd’hui à la lumière de cette année 2022 durant laquelle l’émir a été très visible.

Un siècle et demi après les faits, l’histoire de l’émir – une histoire épique – n’en finit pas de rebondir dans le débat. Mais, sous l’effet des recherches les plus récentes, de sources nouvelles, elle rebondit au moyen d’une remise en perspective. Les familiers du savoir sur l’émir Abd el-Kader mesurent à quel point les connaissances sur le personnage se sont enrichies.

Les 24 et 25 novembre 1992, l’université de Sidi Bel-Abbes avait été le théâtre du premier colloque international sur la vie de l’émir. Depuis, d’autres évènements thématiques dédiés à la vie de l’émir se sont succédés au crédit de l’enrichissement des connaissances. 

  

Email
Mot de passe
Prénom
Nom
Email
Mot de passe
Réinitialisez
Email